Châteaulin : « Sans les Restos du Cœur, je ne mange plus à la moitié du mois »
À Châteaulin, les bénéficiaires sont de plus en plus nombreux à se presser aux Restos du Cœur. Pour ces personnes sans travail voire seuls avec des enfants à charge, ce rendez-vous hebdomadaire est une nécessité, d’autant plus en période d’inflation.
« Ces temps-ci, mon RSA à 490 € me permet de manger durant un demi-mois, pas plus ! ». Boris, ancien métallier de 44 ans, vient de Pleyben, une fois par semaine, faire ses emplettes aux Restos du Cœur, à Châteaulin. « Entre 40 et 50 € de courses », estimées. L’inflation – estimée à 6,2 % de hausse en un an – le conforte d’autant plus dans son choix : « Tout est devenu si cher, souffle-t-il. Outre la bouffe, il y a les carburants, l’électricité… Je n’ai pas honte de dire que je compte faire la manche à la station-service pour gratter un peu d’essence car ça devient délirant ».
Le Pleybennois est sans issue. Son incapacité de travailler depuis « sept ans » lui pèse. La cause ? Un accident du travail combiné à des mois passés dans la rue et une scoliose non traitée ont eu raison de ses articulations. Il boite depuis, le dos quelque peu courbé. Sa hanche le fait souffrir. « Mon médecin n’a pas vu assez d’éléments probants pour me faire passer d’autres examens. Il me faut souvent une canne pour marcher », ajoute celui qui, sans allocation handicap, ne parvient pas à sortir de la pauvreté.
« C’est déjà dur pour ceux qui bossent… »
Il n’est pas seul. Dans cette antenne locale des Restos du Cœur, on note une hausse de 3 à 4 % du nombre de bénéficiaires (près de 350) par rapport à 2021. « Et ce alors que les chiffres de l’an passé dépassaient déjà ceux de 2019 », déplore Jean-Pierre Rouillé. « Ceux qui font face à des impasses administratives sont nombreux, reconnaît-il. Mais quand tu vois que la crise atteint ceux qui bossent, alors eux… ».
Alors quand l’indice des prix explose, cela tombe comme un énième couperet. « Heureusement qu’il y a les « Restos » pour la bouffe, lance Angel, 45 ans. Quand on a déjà l’assurance de la voiture, les réparations, les quatre animaux à gérer… Comment avoir les comptes à l’équilibre à la fin du mois ? Rien que pour les croquettes, le prix a doublé ! ».
« Pas d’autres choix »
Élodie, 34 ans, range les courses dans le coffre de sa voiture avec sa sœur, Mylen, de trois ans sa cadette. « Elle m’a convaincue récemment de venir ici », avoue cette dernière, qui reste vigilante concernant le détail de ses courses : « Pour tout vous dire, je ne me souviens pas de la dernière fois où j’ai acheté autre chose que du premier prix ».
Surveillante de nuit jusqu’en 2019, la Pleybennoise cherche depuis longtemps un emploi : « Seules des offres en 2×8 se présentaient depuis la crise covid, résume-t-elle. Mais avec deux enfants à ma charge toute la semaine, ce n’est pas gérable ».
Aux Restos, on ne voit que la partie émergée de l’iceberg de la débrouille pour bien vivre. Prêt de véhicule, extinction du chauffage, etc., d’autres combines sont nécessaires. Pour Andrea, mère de quatre enfants, qu’importe finalement le contexte, les difficultés restent : « Au vu de la vie que je mène, j’ai l’impression que tout est déjà cher depuis si longtemps, balaye-t-elle. Avec une pension d’invalidité à 900 € et sans aucun découvert autorisé, j’ai toujours dû trouver les solutions. Il n’y a pas d’autres choix ».
ORIGINE : LE TELEGRAMME DU 2 NOVEMBRE 2022