À Brest, le « restau du cœur » décroche les étoiles
Les apprentis de l’Ifac de Brest ont cuisiné un repas de fête, sous l’œil de chefs étoilés, ce lundi 13 décembre 2021. À table : 37 bénéficiaires des Restos du cœur et du Secours populaire, ébahis. Et un invité surprise, Romain, le fils aîné de Coluche.
12 h 30, dans le restaurant du campus des métiers de Brest, ce lundi 13 décembre 2021. Assises au bout d’une grande table de neuf convives, Hélène et Alice découvrent le menu du jour : Saint-Jacques au beurre blanc, volaille façon lièvre à la royale et polenta de brocolis, tarte au citron jaune et son crémeux de céleri aux algues.
Mère et fille cachent mal leur émotion. Ce repas de fête, concocté par sept cuisiniers, dont le chef finistérien étoilé Olivier Bellin, sera leur plus beau cadeau de Noël. « Il n’y en aura pas d’autres. Les temps sont très durs », soupire Hélène, 64 ans. La Brestoise a été invitée à ce repas solidaire par le Secours populaire, en tant que bénéficiaire et bénévole. Sa fille, qui vit avec elle, l’accompagne.
Olivier Bellin, chef de l’Auberge des Glazicks, à Plomodiern (29), participe depuis plusieurs éditions au repas solidaire des Bouffons de la cuisine. Ce lundi, il était épaulé par des apprentis de l’Ifac, de Brest.
« On a une chance incroyable d’être ici. C’est comme un ticket gagnant au loto ! », lâche, pudiquement, la retraitée, qui ne touche pas de retraite. « J’ai travaillé toute ma vie aux côtés de mon mari mais il ne m’a jamais déclarée. J’ai dû fuir après des violences conjugales. Aujourd’hui, je n’ai même pas le minimum vieillesse ».
À l’autre bout de la table Michel, 67 ans, apprécie « d’être chouchouté comme ça ». Cela fait 17 ans qu’il a tapé à la porte des Restos du cœur de Brest. Il ne se fait pas beaucoup à manger, « mais la cuisine, c’est notre patrimoine ». Alors se mettre à table (sans alcool) tous ensemble, ne serait-ce qu’une fois par an, Michel aime ça et ne cache pas sa joie.
Florian Michel, professeur à l’Ifac de Brest, montre à ses élèves la présentation de l’accompagnement du plat, polenta et brocolis. Le chef est un des moteurs de l’association Les Bouffons de la cuisine.
Comme Hélène, Alice et Michel, 34 autres convives d’un jour, repérés par les deux associations caritatives, ont pris religieusement place autour des cinq tables aux belles nappes rouges. La gêne a un peu de mal à se dissiper. Organisatrice de l’événement, l’association Les Bouffons de la cuisine a, une fois de plus, mis les petits plats dans les grands. « Parce que transmettre et partager, c’est dans l’ADN des cuisiniers. Joyeux Noël à tous ! », s’exclame à la cantonade, en visio, le président national carantécois Patrick Jeffroy.
La solidarité, aujourd’hui, est partout. « En salle, avec l’accompagnement associatif, mais aussi dans les si belles cuisines de l’Ifac, où trente apprentis sont drivés par des chefs depuis ce matin pour sortir le menu », insiste le coordinateur, Florian Michel.
À peine deux heures plus tôt, les jeunes dévoraient, en effet, la leçon du beurre blanc façon Olivier Bellin. En direct, et pas à Objectif Top Chef, à la télé ! « C’est vachement satisfaisant », confie Lisa, 19 ans, en CAP d’un an. « Aujourd’hui, on va faire du simple, du lisible. On se met au service des gens, pour leur offrir un peu de bonheur », insiste le chef.
Antoine Foezon, chef du 21e commis, à Morlaix, apporte ici la touche finale à son dessert, une tarte au citron jaune crémeux de céleri aux algues.
Un « Enfoiré » à table
13 h : à l’heure des coquilles Saint-Jacques, un invité surprise, venu tout droit de Paris, rejoint le banquet étoilé. Cheveux bouclés, œil qui frise et tutoiement de rigueur : on croirait voir Coluche en personne. Mais c’est son fils aîné Romain Colucci, aujourd’hui ambassadeur des Restos du cœur, qui vient d’entrer.
Après un tour en cuisine, le plus sympa des « Enfoirés » s’assied non loin d’Hélène, Alice et Michel. Conversation à tu et à toi. Au moment de déguster le dessert aux algues, la glace est brisée. Les chefs et les apprentis entrent en salle pour la photo souvenir. Hélène, décrocheuse d’étoiles, est à deux doigts de pleurer. « J’ai pu approcher Olivier Bellin, souffle-t-elle. J’en suis bouleversée ».
Origine : LE TELEGRAMME du 14 décembre 2021